Médias sociaux, vie privée, vie publique
Alors que Facebook célèbre aujourd’hui ses 6 ans, son fondateur Mark Zuckerberg vient d’annoncer que le site est sur le point d’atteindre la barre des 400 millions d’utilisateurs (tout juste 5 mois après avoir dépassé les 300 millions de membres). De son côté, Twitter paraît finalement encore en reste avec ses 13 millions d’utilisateurs (actifs) recensés en décembre 2009. Et pourtant, malgré leurs différences, ces deux grands noms du social media semblent avoir, entre autres points communs, le fait d’impacter sur le comportement des individus. Ainsi, selon Martin Giles, correspondant technologie de The Economist :
Les réseaux sociaux en ligne changent la façon dont les gens communiquent, travaillent et jouent, et le plus souvent pour le meilleur
D’après le dossier spécial « A world of connections » de The Economist, on est bien loin des années 90 où les communautés en ligne étaient l’appanage de geeks à lunettes qui se cachaient derrière des pseudos et des écrans. Les réseaux sociaux sont devenus de vastes espaces publics où des millions d’individus se sentent maintenant à l’aise d’utiliser leur véritable identité en ligne et de partager une portion de leur vie avec leur communauté. Et le rapport de citer que ce sont plus de 55 millions de mises à jour de statuts qui sont publiés par jour sur Facebook.
Le fait de parler ouvertement de sa vie publique sur le net suscite forcément des questions, des interrogations, et notamment de la part des parents. Comme le soulignait récemment Jean-March Manach, journaliste du Monde dans un excellent article intitulé « Vie privée : le point de vue des *petits cons* » :
Nombreux sont ceux qui pensent que les jeunes internautes ont perdu toute notion de vie privée. Impudiques, voire exhibitionnistes, ils ne feraient plus la différence entre vie publique et vie privée.
Et pourtant, comme l’explique cet article du Monde en citant Josh Freed, un éditorialiste canadien, il s’agit tout simplement d’une fracture générationnelle :
La [nouvelle génération] a passé toute sa vie sur scène, depuis que leurs embryons ont été filmés par une échographie alors qu’ils n’avaient que huit semaines… de gestation. Ils adorent partager leurs expériences avec la planète entière sur MySpace, Facebook ou Twitter et pour eux, Big Brother est un reality show
Et l’article de continuer avec une citation d’Elizabeth Denham, commissaire adjointe à la protection de la vie privée du Canada qui souligne que :
Les jeunes se retrouvent aujourd’hui à se demander si les choses se passent réellement quand personne ne les regarde
Alors, au final, est-ce les réseaux sociaux qui changent la façon dont nous nous comportons ? Ou bien facilitent-ils tout simplement un nouveau comportement, plus transparent, lié à ces nouvelles générations qui ont toujours vécu avec le net et pour qui, selon le rapport Pew, Internet c’est tout simplement la vie ?
Ce qui est certain c’est que les parents ne sont pas les seuls inquiets face à la façon dont nous exposons nos vies sur le net. Le dossier spécial de The Economist évoqué plus haut souligne ainsi que du coté des entreprises, le doute persiste quant à l’utilité des médias sociaux sur le lieu de travail et cite une étude selon laquelle seulement 10% des entreprises laissent leurs employés accéder aux réseaux sociaux depuis le travail, par peur d’une baisse de productivité mais aussi par peur qu’ils ne partagent des informations confidentielles via les réseaux sociaux. David Armano, dans ses prédictions pour l’an 2010 avait d’ailleurs évoqué le sujet de l’interdiction des réseaux sociaux par les entreprises en imaginant qu’un nombre croissant d’individus remplaceraient leur pause cigarette par une « pause social media » pour accéder aux réseaux sociaux via leur téléphone portable…
Je pense qu’il va s’agir de faire évoluer les mentalités en entreprise et de faire confiance à ses employés. 3 arguments se présentent :
1) Les médias sociaux ne sont pas des outils et des comportements qui existent de manière séparée de l’entreprise puisqu’ils sont déjà là. Quel service de ressources humaines ou de comm interne n’a pas déjà utilisé un outil qui favorise le réseau interne de l’entreprise, pour soumettre une suggestion, ou permis à leurs employés de se contacter sur des plateformes type forum ?
2) Si une entreprise fait confiance à ses employés pour qu’ils négocient des contrats ou communiquent avec des partenaires extérieurs, pourquoi diaboliser Facebook et autre Twitter ? Une information confidentielle si elle doit être donnée à la concurrence peut l’être par téléphone ou simple email. Pensons à retourner la situation et à faire de ces plateformes des outils de cohésion et de motivation pour l’entreprise ainsi que pour les jeunes recrues. Ainsi selon la 7ème édition du sondage Junior Achievement Deloitte, la moitié des adolescents (58%) admettent qu’ils prendront en compte la liberté laissée par leur employeur d’accéder aux médias sociaux sur leur lieu de travail avant d’accepter une offre d’emploi.
3) Si les consommateurs se trouvent sur les réseaux sociaux à toute heure de la journée, comment une entreprise espère-t-elle continuer à les comprendre si ses employés sont proscrits d’utiliser les média sociaux? La question pourrait sembler idiote mais c’est du simple bon sens. Il semble difficile de faire évoluer des produits si tout l’entreprise est coupée de la « vie réelle ».
Alors prêts pour les médias sociaux dans l’entreprise ?