Are you the media ?

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camille.jouneaux

« Le média est-il une personne ? », telle était la thématique de la dernière session CB Web Le Club d’hier soir, qui a démarré par un débat entre Natacha Quester SemeonCédric GiorgiGrégory Pouy et Cyril Paglino, en guise de présentation du dernier film « I Am the Media » du réalisateur Benjamin Rassat.

Dans cette oeuvre à mi-chemin entre le reportage journalistique et la fiction parodique, Benjamin Rassat propose au spectateur une réflexion autour de la tentation narcissique provoquée par le web social. Avec pour leit-motiv « do you google yourself? », « I Am the Media » porte d’ailleurs davantage sur la question du « I Am » que sur celle du « Media ». Selon le réalisateur, les médias sociaux permettraient une mise en abîme de soi-même ; on se regarde être regardé, on devient, aux yeux des autres, ce que Google dit de nous. Benjamin Rassat se joue de cet adage, baladant le spectateur entre fable et réalité, construisant des ponts entre les deux pour nous montrer que la frontière est parfois mince. Il se met d’ailleurs en scène dans une caricature de lui-même  et s’invente un personnage dont l’existence est truffée de fausses vérités, fausses puisque non conformes à la réalité, mais vérités puiqu’elles ont été dites que certains les auront crues.

Benjamin Rassat voit le web social comme un espace libérateur où l’on peut se créer un personnage parfois jusqu’à l’opposé de l’individu que l’on est en réalité. Ainsi, on dépasse ici l’angoisse orwellienne de 1984 qui nous montre l’être humain aliéné par une surveillance omniprésente pour une vision optimiste, exutoire d’un internet qui permettrait d’exister dans le regard des autres sous un jour différent. Sandrine qui n’a malheureusement pas pu assister à la projection hier soir, me souffle que cette angoisse orwellienne a d’ailleurs été largement abordée par Onti Timoner dans son film We Live in Public, dont les thématiques ne sont pas sans rappeler celles d' »I Am the Media ».

La question de la gestion d’une pluri-identité est au coeur d »I Am the Media » avec l’idée d’une existence schizophrénique des individus partagés entre leur existence offline et leur existence online. J’emploi ici volontairement le terme « offline » au lieu du communément accepté « IRL » (In Real Life) qui implique qu’internet soit un monde fictif, or, il ne l’est pas. Nos comportements en ligne ne diffèrent pas tant que ça de la personne que nous sommes et il y aura toujours un internaute pour dénicher une fausse information, corriger votre page wikipedia s’il estime qu’elle ne dit pas toute la vérité, d’autant plus si vous êtes une marque. Pour prolonger cela, on peut d’ailleurs citer Jeremiah Owyang qui propose une théorie selon laquelle les individus tendent à n’avoir plus qu’une seule identité.

Fort heureusement, Benjamin Rassat avoue lui-même que la réflexion telle qu’elle est proposée dans ce film ne correspond en fait que très peu à l’idée qu’il se fait réellement du web et de ses acteurs. En effet, il estime que les influenceurs sont des « narcissiques généreux », qui ne sont pas présents sur internet pour se construire une histoire mais pour partager, recevoir et donner.

D’ailleurs, au cours du débat animé par Geneviève Petit et Benjamin Rassat, les réponses se font assez unanimes. Les blogs des influenceurs présents sont des médias parce qu’ils sont émetteurs, vecteurs d’informations. De même que les humains sont des médias, peu importe leur audience, à partir du moment où ils partagent une information et génèrent du bouche-à-oreille, s’accordent à dire Gregory Pouy et Cyril Paglino. En revanche, quand bien même ils répondent tous « oui » à la question « do you google yourself? », nos experts se refusent à se considérer comme des marques, se souvenant que les premiers blogs furent créés sans que leurs auteurs aient imaginé l’impact que cela allait avoir. Natasha a d’ailleurs réitéré plus d’une fois au cours du débat son intérêt pour le partage, les commentaires, le crowdsourcing en opposition au besoin de se montrer. Comme Cyril l’a mentionné, on note quoi qu’il en soit, qu’un influenceur peut être un ambassadeur à défaut d’une marque, tel que lui le fut pour Cacharel en février dernier.