3D Printshow Paris : second volet
Second volet de notre retour d’expérience au salon 3D print show. Nadia évoquait dans son premier billet l’aspect social de l’impression 3D, notamment avec les témoignages de Makerbot. On poursuit le tour d’horizon avec un panorama des dernières technologies et des usages remarquables.
La première impression lorsqu’on pénètre au 3D Print Show, c’est à la fois cette odeur particulière de plastique fondu et l’atmosphère un peu électrique d’un public avide de découvertes. On sent une énergie propre aux « nouvelles frontières ».
De quoi s’agit il exactement ? Le 3D print show se veut comme la première exposition-manifeste qui rassemble tous les métiers et les aspects de l’impression 3D : technologies, industriels & startups, fablabs & inventeurs, mais également sensibilisation aux usages dans une optique plus grand public via des conférences, workshops, volet éducatif, artshow, défilé de mode, et présence de pièces de design emblématiques de cette nouvelle révolution industrielle et sociale. Au delà des innovations technologiques forcement au cœur de la manifestation, nous nous sommes penchés sur le côté social de ces usages émergents.
Bien plus qu’un salon professionnel, il s’agit d’un roadshow (à Londres début novembre et en février prochain à New York) avec une mission d’évangélisation assez manifeste à destination de tous les publics.
Tous les champs impactés par l’impression 3D sont présents. On aurait voulu marquer les esprits qu’on ne s’y serait pas pris autrement. On avait déjà vu sur les salons professionnels comme Laval Virtual ou Futur en Seine, les enjeux de l’impression 3D en France mais dilués alors parmi d’autres innovations.
Ça parle technique, ça parle usage, ça parle prix par kilogramme, ça parle vitesse d’impression, ça écoute religieusement, ça échange des trucs et astuces pour gagner une minute, un gramme de matière, un look and feel ou réaliser une forme particulièrement complexe ou réputée impossible. Bref ça parle & ça échange, l’impression 3D semble être par nature conversationnelle et communautaire.
Toutes les techniques sont présentes des plus rudimentaires comme les techniques low-cost et DIY (Do it yourself) où on commence par imprimer sa propre machine à imprimer, jusqu’aux machines haut de gammes susceptibles d’imprimer des objets complexes, articulés, dans des matières de différentes couleurs, transparences, rigidités, destinées aux applications industrielles de précision ou à la médecine high-tech. Il existe par exemple plus de 300 matières chez Shapelize, présent sur le salon. Les premières technologies dites du frittage de poudre d’il y a dix ans ont aujourd’hui muté pour laisser la place à une explosion de procédés qui s’améliorent et se renouvellent tous les trois mois. Cette industrie naissante est soutenue par des communautés de « makers » passionnés de plus en plus larges.
Qu’imprime t-on ? On imprime donc des goodies, sa propre tête en figurine, des bijoux, des robes ou des accessoires de mode, des prothèses médicales, des vases, des lampes, des œuvres d’art, des pièces détachées pour l’industrie, des voitures, du mobilier et même des murs. Bientôt de la nourriture, des circuits imprimés, etc. On regrette d’ailleurs un peu l’absence de l’impression 3D alimentaire, en se disant qu’il faudra surement attendre l’année prochaine.
Principe et promesse sont simples même si la mise en œuvre est encore conditionnée par l’acquisition de compétences et d’outils de production plutôt complexes. D’ici quelques années, chacun pourra – avec l’aide de la communauté – imprimer chez soi, le jouet de ses enfants, remplacer la pièce défectueuse de sa voiture ou de sa cafetière, scanner et dupliquer un objet – comme on fait une sauvegarde – ou customiser un modèle de base. Pour la consommation courante on imagine que les marques vendront plus des moyens de production ou des licences que des objets eux mêmes. Il y aura probablement un écosystème de production à deux vitesses : un prototypage très rapide fait à la maison, et un système plus abouti et qualitatif chez le prestataire au coin de la rue. Les objets seront moins couteux, personnalisables, réparables et partageables à l’infini. Sans bien sur parler de l’industrie qui va devoir anticiper pour s’adapter à la nouvelle donne.
En amont, la chaîne de conception / production / diffusion demande un minimum de compétences techniques… La communauté des makers est forcément celle du partage de connaissance et de la collaboration. De nombreux réseaux sociaux dédiés, proposent tutoriels, comparatifs, expérimentations et résultats. Le taux d’engagement dans ces communautés est d’ailleurs remarquable. Dans le même esprit, un des objectifs des Fablabs (fabrication laboratory) comme celui de La Nouvelle Fabrique au 104, est à la fois l’initiation à un mode de production et à ses outils, mais également un « produire en commun ». La production de l’objet n’est qu’un pic d’un processus social et conversationnel en amont et en aval.
Lors de l’apparition massive des blogs sur internet, la promesse était que chacun pouvait se faire entendre et avoir sa tribune sans passer par un intermédiaire. On réduisait à la fois le coût, le délai et le bruit dans le l’information publiée. A la communication verticale des médias traditionnels se surajoutais une communication horizontale facile à mettre en œuvre.
Un peu de la même manière, avec ces nouvelles pratiques de l’impression 3D, c’est toute la chaine industrielle qui se trouve modifiée. Quelque chose qui à priori va à l’encontre des processus de standardisation industrielle où chacun se retrouve avec les mêmes objets. La encore il est question d’intelligence collective, de processus distribués, de customisation et de creative Commons. Là, il est question de se ré-approprier le monde des objets. De les concevoir, de les modifier, de les fabriquer, de les utiliser, de les réparer soi même et avec l’aide de la communauté. Avec ce nouveau système des objets c’est toute la manière de concevoir, produire et distribuer qu’il faut repenser. Et même si ce nouveau système des objets ne remplacera pas l’autre à court ou moyen terme, il va certainement obliger les industries de production traditionnelles à se transformer.
Par exemple, Michiel Van der Kley, designer et membre actif de la communauté Ultimaker, à lancé le Project EGG, qui repose sur le partage la co-création. Il a conçu une sorte de module d’architecture fait de 4760 briques et demande à chaque propriétaire d’une imprimante 3D de lui imprimer une brique et de lui envoyer. Le projet est toujours en cours et sera exposé une fois fini lors de la prochaine foire du design à Milan au printemps 2014. Le premier espace « crowd printé ». Sur son blog, on peut lire cette citation belle comme une utopie qui pourrait résumer l’esprit « makers » et son impact sur les industries traditionnelles.
We are looking for new horizons.
We want to connect the whole of the 3D print community.
We want to change the way we produce.
We shift boundaries
Toujours dans le registre design et architecture, François Brument présente « Habitat imprimé », une curiosité majeure du salon. Grâce à la société voxeljet qui dispose de la seule imprimante 3D européenne capable de produire des pièces en béton de grande taille, il a pu concevoir et produire cette unité d’habitation, première du genre. On sent bien dans cet exemple comment designers et fournisseurs de technologies travaillent ensemble pour améliorer processus et technologies.
Côté startups française et marketplace, notons la présence de Sculpteo, le leader français des solutions prêt-à-imprimer à destination des particuliers et des professionnels (MIT ou le CNRS). Comme beaucoup d’autres on upload son modèle 3D, on choisi sa matière parmi un nuancier et on le reçoit chez soi quelques jours plus tard. A noter : Sculpteo en tant que fournisseur de solutions, propose aux professionnels d’ « ouvrir leur boutique », qu’elle soit on-line ou au coin de la rue, afin de monétiser leurs créations. Une tendance similaire du côté de la société Digiteyezer qu’on connaissait pour son photomaton 3D grand public et évènementiel, qui lance sa franchise « Boobleshop » qui permet d’ouvrir simplement son magasin d’impression 3D. Les premières boutiques Franchisées « Boobleshop » verront bientôt le jour aux Pays-bas, en Egyte, en Grêce et au Portugal.
Mode et arts plastiques sont bien sur présents sur la manifestation puisqu’un défilé et une exposition présentent un florilège des techniques et usages.
La mode est une industrie visible et florissante qui a toujours utilisé et poussé les techniques de pointe. Au milieu du stand de Makerbot trone Verlan, une robe imprimée du fashion designer new yorkais Francis Bitonti. Visiblement assemblée en plusieurs parties, elle semble un peu rigide pour être portée, mais c’est un prototype destinée au catwalks. Le studio Francis Bitonti n’est pas à son premier coup puisque c’est lui qui avait habillé Dita Von Teese d’une une robe souple et articulée imprimé en 3D avec la complicité de shapeways et Swarovski. De nombreux accessoires sont présents sur les stands comme dans l’exposition : bijoux, chaussures, sacs, etc. Un catwalk présente le défilé d’une myriade de créateurs dans l’esprit du show réalisé lors de la dernière fashion week à Paris par Iris von Herpen et soutenu par Stratasys un des leader mondiaux de l’impression 3D.
A voir tout ce dynamisme du côté de la mode, on se plaît à imaginer le jour où les fashionistas iront télécharger la dernière petite robe de leur créateur adoré. C’est presque déjà le cas puisque la robe Verlan est téléchargeable gratuitement sur la communauté thingiverse. Et si on considère la présence de lingeries imprimées en 3D lors du show Victoria’s Secret qui se tenait la semaine dernière à Los Angeles, on se dit que cela ne devrait pas tarder !
Le volet art contemporain et design n’est pas laissé pour compte puisque un espace complet est dédié à la présentation d’une trentaine de sculptures et volumes. Les designers s’en sortent plutôt mieux que les artistes. On sent que la sélection des œuvres a été faite pour démontrer à la fois les prouesses techniques et frapper l’imagination d’un large public. Cela illustre plus le potentiel créatif et technique d’une industrie qu’une véritable exposition. C’est d’autant plus étrange que des artistes et des designers comme Miguel Chevalier, Grégory Chatonsky, Arik levy, Patrick Jouin ou Xavier Veilhan, utilisent avec brio ces technologies depuis plus de 5 ans. Mais bon, c’est toujours difficile de faire une exposition autour d’un médium.
Etrangement l’oeuvre la plus intéressante du salon n’était pas dans l’exposition ni sur les stands, mais à l’entrée dans le hall, juste à côté des caisses, si bien qu’on a même failli la rater. Gilles Azzaro, designer sonore de son état matérialise les sons en sculpture depuis 20 ans. Avec sa pièce « Next industrial révolution » Il a imprimé sur une sculpture d’environ deux mettre de long, le discours de Barack Obama sur la nouvelle révolution industrielle que constitue l’impression 3D. Lorsqu’on passe devant la sculpture, un capteur declenche la tête de lecture qui vient « lire » la sculpture comme un vynil d’un genre particulier. Œuvre inceptive. Simple et efficace, où le fond et la forme s’épousent avec brio.
En regardant cette oeuvre, notre adn social imagine d’autres sculptures, sorte de babels du web social qui viendraient matérialiser et inspirer d’autres conversations…
Entre « social manufacturing », partage de compétences et engagement communautaire, on se dit que l’impression 3D va produire de magnifiques objets conversationnels que les marques devront prendre en compte. Et bien sûr ça nous donne pleins d’idées de belles campagnes utiles, surprenantes et sociales. A suivre donc.
We Are Making.