GRÂCE AUX NOUVELLES TECHNOLOGIES, L’INFLUENCE VA AU-DELÀ DE LA CAPACITÉ HUMAINE

Pour cette deuxième partie de notre série d’articles sur l’influence, Agalia Tan, Planner,  explore l’impact de la technologie sur les comportements des influenceurs et la façon dont l’influence s’étend au-delà des limites humaines.

Autrefois le monopole des célébrités d’Internet, l’influence s’est aujourd’hui démocratisée. 

Alors que les grands réseaux sociaux s’orientent vers la personnalisation des flux, les algorithmes des plateformes ont bouleversé les règles conventionnelles de l’influence : construire une marque personnelle authentique et dire sa vérité pour créer une communauté. 

Les règles ont déjà changé depuis que la pandémie a alimenté notre ère TikTok, où toute personne disposant d’une connexion internet fonctionnelle et d’un appareil a la possibilité d’exercer une influence, que ce soit sous la forme de mouvements de danse entraînants ou de vidéos réaction. 

Aujourd’hui, nous vivons dans l’ère de l’économie de l’imagination.

Grâce à l’IA générative, tout le monde a désormais la possibilité de modifier ou de générer n’importe quel type de média  (deepfake* ou média synthétique) qu’ils peuvent imaginer, et exercer une influence rapide.

 C’est ainsi que Pablo Xavier, un ouvrier du BTP de 31 ans  originaire de la région de Chicago, a cassé Internet avec cette fameuse image du pape en doudoune Balenciaga générée par l’IA. Ou encore l’utilisateur anonyme de Twitter qui a créé une image de l’explosion du Pentagone, ce qui a entraîné une chute de 10 minutes du marché boursier.

La frontière entre la réalité et la fiction s’estompe. Ainsi, dans la mesure où les réglementations n’ont pas encore rattrapé la vitesse de l’engouement pour l’IA, les gens font passer la culture du remix au niveau supérieur.

Des artistes comme STR4NGETHING, Benjamin Benichou et Curious Refuge ont démontré l’intelligence de l’utilisation de l’IA pour fusionner des concepts, des esthétiques ou des marques apparemment disparates. Pensez aux chaussures hyperréalistes inspirées de la Renaissance, au concept store Nike sur Mars et à la Guerre des étoiles, version Wes Anderson. Par ailleurs, l’industrie musicale en pâtit également. Après la viralité du titre « Heart on My Sleeve » de Drake et The Weekend, généré par l’IA, TikTok regorge désormais de créations de fans telles que Harry Styles chantant « Ceilings » en duo avec Lizzy McAlpine, ou Rose de BlackPink chantant « I Kissed a Girl ».

Au rythme où nous allons, les experts estiment que jusqu’à 90 % du contenu en ligne pourrait être généré synthétiquement d’ici 2026. 

Indubitablement, cette inondation de deepfake entraînera une fragmentation de l’attention des internautes. Pour les plus populaires, cette nouvelle réalité sociale nécessite une réorientation de leur approche pour naviguer dans le paysage de l’influence. 

D’ores et déjà, nous constatons que plusieurs personnes innovantes sont à l’avant-garde des nouvelles manifestations d’influence en exploitant les nouvelles technologies pour amplifier l’influence de deux manières essentielles.

AU-DELÀ DES CAPACITÉS HUMAINES

Certains tirent parti de l’IA pour dépasser “leurs capacités humaines”.

Le géant coréen de la musique Hybe a utilisé la technologie vocale de l’IA pour lancer MIDNATT, qui sert d’alter ego à l’artiste existant, Lee Hyun. Tout en conservant la texture vocale et l’expression musicale originales de Lee Hyun, MIDNATT peut chanter couramment dans six langues différentes, ce qui lui permet d’attirer un public plus large.

D’autres influenceurs, comme Caryn Marjorie, ont exploité l’IA pour créer et favoriser des points de contact permanents avec leurs fans. Baptisé CarynAI, son clone IA a été formé à partir de plus de 2 000 heures de son propre contenu YouTube afin d’insuffler sa personnalité dans une expérience IA immersive qui offre aux adeptes une « interaction unique en son genre et qui donne l’impression de parler directement à Caryn elle-même ».

La musicienne canadienne Grimes a poussé l’interaction entre fans et artistes encore plus loin. En parlant de « propriété collective de la voix », Grimes a ouvert la voie à de nouveaux modèles de collaboration et de co-création avec son public, en leur permettant d’utiliser sa voix totalement librement, tout en partageant les bénéfices.

PROLONGATION DE L’INFLUENCE

L’IA est également devenue un moyen de ressusciter ou de prolonger l’influence. 

En faisant appel à la technologie de l’IA pour extraire la voix de John Lennon d’une vieille bande démo ou avec les Beatles qui sortiront leur dernier disque dans le courant de l’année, suscitant des réactions mitigées de la part des fans. Plus récemment, le cas controversé de la résurrection de Christopher Reeve et George Reeves dans « The Flash » a soulevé des questions sur la marchandisation de l’image et de la ressemblance des individus, sur le degré de contrôle que les acteurs devraient avoir sur leur propriété intellectuelle, et sur la limite entre l’hommage et la manipulation insensible.

NAVIGUER DANS LE NOUVEAU PAYSAGE DE L’INFLUENCE 

Ces questions reflètent également les implications pour les marques.

Les deepfake étant un élément permanent de l’économie de l’imagination, les marques doivent définir une perspective sur la manière dont elles prévoient de coexister avec l’IA. 

Nous observons déjà deux approches différentes, avec des marques comme Heinz qui considèrent l’IA comme un multiplicateur de créativité, et d’autres comme Nikon qui choisissent de défendre le contenu réel, créé par l’homme.

Dans le contexte d’une culture du remix en plein essor, où les consommateurs ont encore toute latitude pour manipuler l’image des marques dans leurs créations, ces dernières doivent également se demander jusqu’où elles sont prêtes à céder le contrôle de leurs droits de propriété intellectuelle. L’application de contrôles plus stricts sur les droits d’auteur contribuera-t-elle à protéger le capital de la marque, ou aliénera-t-elle davantage les consommateurs ? Ou bien l’adoption d’un modèle de propriété partagée deviendra-t-elle le nouveau Saint-Graal ? 

En fin de compte, l’expérimentation est la clé. Les marques qui sortiront victorieuses seront celles qui ne craignent pas de bricoler et d’itérer avec l’IA générative, et qui finiront par réécrire les règles du jeu contemporaines pour naviguer dans cette nouvelle réalité sociale.

*Le terme deepfake désigne un type de contenu numérique, souvent un document vidéo ou audio, synthétisé ou modifié à l’aide d’un procédé reposant sur l’intelligence artificielle.