Trendspotting #05

Thought Leadership
Lore Oxford

Internet fourmille de contenus qui peuvent nous faire rire, nous effrayer, ou nous donner espoir en l’humain. Au delà des trolls et des lols, si vous savez ce que vous cherchez sur la toile, les mèmes et autres tweets peuvent être les signaux avant-coureurs de véritables changements culturels et de comportements sociaux plus profonds. Deux fois par mois, Lore Oxford, notre Global Head of Research and Insights, explore certaines de ces tendances. Cette semaine, elle revient notamment sur le phénomène “Rise and Shine” de Kylie Jenner, et les profs qui investissent TikTok.

Twitter et les tutos

L’utilisation croissante des threads sur Twitter a vu les récits sur la plate-forme gagner en longueur et en complexité, mais il n’y a pas que le format qui évolue. Le contenu lui-même est également en train de se diversifier, les gens adoptant ce nouveau format et l’appliquant à un plus grand nombre de sujets. Prenez par exemple ce thread :

Les tutos ont historiquement toujours plus trouvé leur place sur des plateformes comme YouTube, où des idées complexes peuvent être exprimées clairement et simplement. Mais le format du thread permet aussi parfaitement de dérouler un mode d’emploi, pas à pas, en particulier depuis que Twitter a commencé à épingler les tweets pour faciliter l’assimilation du contenu dans les fils et les conversations. Twitter pourrait de plus en plus devenir un forum ouvert permettant à tout un chacun de rechercher des expertises facilement.

Comment Kylie Jenner a tiré profit des mèmes “Rise and Shine”

Début octobre, Kylie Jenner visitait les bureaux de sa marque Kylie Cosmetics. À moins d’une minute de la fin de la vidéo qui dure 16 minutes, pendant 19 secondes, Kylie se laisse aller à chanter “Rise and Shine” dans la salle de jeu de sa fille pour la réveiller. Elle a rendu fou Internet – et en particulier TikTok. Pendant les deux semaines qui ont suivi, les vidéos contenant le hashtag #riseandshine ont été visionnées plus d’un milliard de fois, battant tous les records précédents sur la plate-forme. Des vidéos comme celle-ci :

La femme d’affaires a elle aussi capitalisé sur ces mèmes. Après avoir retweeté ses posts  TikToks préférés, Kylie a sorti une collection limitée de sweats à capuche avec le nouveau motif “rise and shine” qui se sont arrachés comme des petits pains ! Elle explore maintenant la possibilité de déposer la phrase…

Sur les pas de sa soeur Kim – qui avait aussi monétisé son “Crying Kim” – Kylie respecte un vieil idiome : seule l’absence de publicité est une mauvaise publicité. Mais elle applique aussi un certain nombre de nouvelles règles qui permettent un marketing digital hyper-efficace : 

– Plus vite vous réagissez à un moment culturel pertinent pour votre marque, mieux c’est.
– Sur le web, l’authenticité fait tout. A défaut d’identification, la capacité d’une personne à démontrer une conscience et une acceptation de soi (dans ce cas, en ne se prenant pas trop au sérieux quand il s’agit d’une punchline de blague virale) lui confère de l’authenticité.
– Le contenu social a plus de valeur que jamais dans tous les sens du terme. Ceux qui peuvent revendiquer un mème de cette ampleur disposent d’un capital culturel considérable. Et aujourd’hui, le capital culturel (qu’il soit mesuré en termes de likes, de retweets ou de vues) peut être converti directement en argent.

Cette vidéo qui montre le respect de Netflix pour son public

La semaine dernière, Netflix a mis en ligne un essai en vidéo de l’écrivain Aniefiok Ekpoudom. Il y décrit les thèmes clés de la masculinité issus d’une série télévisée britannique, TOP BOY, centrée sur les drames quotidiens d’un groupe de jeunes hommes noirs à Londres. Vous pouvez le retrouver ici :

Netflix est réputé pour donner la voie aux communautés à travers ses contenus. Lancé au cours du mois de la fierté, Prism est un flux Instagram exclusivement consacré au contenu LGBTQ + de la plate-forme, tandis que le compte social média  Strong Black Lead met en scène des artistes afro-américains de programmes originaux de Netflix, et a pour ambition d’endiguer les clichés des personnages noirs dans les fictions.

Dans la même veine, en offrant à Ekpoudom une plate-forme pour son essai (plutôt que de créer un contenu similaire en interne), Netflix met en lumière la résonance émotionnelle de son contenu. Preuve de son engagement à représenter avec précision les publics auxquels son contenu s’adresse, en laissant ses auditeurs prendre la parole sur eux-mêmes.

Ce tweet qui montre le retour de flammes face à la culture de l’influence

Cette année, les influenceurs en prennent un coup. On assiste en effet à un retour de bâton pour certains d’entre eux, dont la supposée authenticité suscite beaucoup de cynisme. Ce fut ainsi le cas lorsque l’on apprit que la blogueuse de mode Marissa Fuchs avait organisé ses extravagantes fiançailles grâce à des marques. Ou lorsque l’influenceuse Tiffany Mitchell à Nashville, provoqua l’indignation après avoir publié des photos d’elle sur Instagram, au bord de la route après son accident de moto. Et que l’artiste maquilleur de YouTube, James Charles, est détesté, surtout parce que c’est James Charles. Ou comme l’illustre ce tweet :

Une partie du problème réside dans le fait que les influenceurs sont historiquement caractérisés par leur authenticité. Mais au fur et à mesure que le paysage numérique mûrit, des écarts se sont creusés, en termes de revenus générés et de nombre de followers. Plus les influenceurs sont perçus comme une élite, moins on peut s’y identifier et moins ils semblent authentiques. C’est la raison pour laquelle le web s’est énervé lorsque Forbes a nommé Kylie Jenner “la plus jeune milliardaire self made woman de tous les temps” – omettant d’évoquer son éducation privilégiée.

TikTok, pas que des lols

TikTok est généralement perçu comme un refuge pour la gen Z, dont les membres passent leur temps à synchroniser leurs lèvres, à mettre en scène leurs relookings et à exécuter leurs danses extravagantes et synchronisées. Mais au fur et à mesure que la plate-forme entre dans la conscience publique, les gens (les adultes) l’exploitent pour un plus large éventail de raisons. A l’image de @chemteacherphil qui poste des vidéos comme celle-ci :

Phil Cook, professeur de chimie, est également présent sur YouTube et Instagram, où il partage des vidéos de chimie éducatives et pédagogiques. Et sur TikTok, il a attiré près de 500 000 personnes en moins de deux mois. Il n’est pas le seul à avoir fait le pont entre l’éducation conventionnelle et TikTok – plusieurs enseignants aux États-Unis ont même lancé des clubs TikTok, au sein desquels les étudiants collaborent pour créer des contenus spécifiques pour la plate-forme. Pendant ce temps, elle-même s’attelle à cet objectif, en lançant un programme éducatif en Inde.

La volonté de transformer TikTok en un réseau qui n’héberge pas que de simples lols s’enracine dans son audience et son contexte culturel. Lancée en 2016, TikTok est la première plateforme sociale de cette envergure à naître dans une ère d’anxiété face à la consommation des médias sociaux – en particulier chez une Gen Z réaliste et avertie averti en matière de numérique. Résultat : les adolescents l’ont rapidement utilisé pour des utilisations qui vont au-delà de la validation sociale et de la portée virale. Combiné à son format en boucle rapide – idéal pour transmettre des idées simplement – il n’est pas surprenant que le contenu éducatif marche actuellement sur TikTok.